#Transformation numérique

La Fintech française étoffe l’écosystème financier

Juil 15, 2022 - 4 min read
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Bruno Cambounet, Head of Research at Sopra Banking Software

Avec 2,27 milliards d’euros levés sur l’année 2021, le secteur de la Fintech française est en pleine expansion. Ses acteurs sont maintenant des partenaires matures du système financier et bancaire traditionnel, qui a tout à gagner de leur expertise technique et de leur fluidité.

Alors que les levées de fonds s’accélèrent et que 2021 a marqué un nouveau record dans l’expansion du secteur, il semble que les Fintechs françaises et les acteurs du système financier soient appelés à travailler main dans la main. Le Palmarès Fintech 100, sorti en mars 2022, indique que le chiffre d’affaires des 100 premières Fintechs du pays a augmenté de 102 % sur l’année pour un total de 1 102 millions d’euros. Plus de la moitié de ces entreprises prévoient également une croissance de plus de 50 % en 2022.

Face à ce secteur en plein boom, le système bancaire et financier doit se positionner : les Fintechs seront-elles concurrentes ou partenaires, dans un contexte où les habitudes des consommateurs se modifient, et où la digitalisation et l’open banking bousculent les schémas établis ? Quand on sait que 8 Fintechs sur 10 ont déjà mis en place des partenariats commerciaux ou technologiques, les acteurs traditionnels du système financier devraient avoir tout à gagner en s’intéressant à leurs atouts. Et le contexte actuel de chute de valorisation des startups en général n’y change rien, voire pourrait au contraire soutenir les acteurs. 

Les avantages offerts par la Fintech sont multiples :

Leur expertise technique

Les Fintechs sont des entreprises qui développent des technologies numériques appliquées aux services financiers. Or, Fintech et Assurtech consacrent en moyenne 29 % de leur budget à la R&D et 50 à 75 % d’entre elles affirment que plus de la moitié de leurs collaborateurs R&D travaillent dans la tech plutôt que dans la finance.

Cette spécialisation technologique permet ainsi à la Fintech de capitaliser sur des capacités d’innovation que les acteurs traditionnels peinent à intégrer rapidement à leur services internes. Leur structure leur permet donc d’échapper à l’inertie des grands groupes.

Spécialisées dans les services financiers aux entreprises, les services d’assurances (Assurtech) et de paiements (Paytech), ainsi que dans l’épargne et les placements, les objectifs des Fintechs sont similaires à ceux des acteurs traditionnels mais souvent très ciblés et elles peuvent ainsi devenir des moyens d’innovations dans le cadre de leur modernisation.

En outre, les technologies qu’elles développent répondent aux défis du système financier : efficacité opérationnelle (ex. automatisation avec l’Intelligence Artificielle), raccourcissement du cycle de vie des technologies de logiciel, gestion et exploitation des données clients à 360° dans un cadre réglementaires hyper évolutif, ouverture des systèmes et des données grâce aux derniers concepts d’API qui contribuent à fluidifier l’expérience client, ou encore cybersécurité à l’heure où la digitalisation présente tant d’opportunités mais montre aussi tous les jours de nouveaux dangers.

La valeur qu’elles dégagent

Les corrections drastiques de la valorisation des Fintechs et des startups en général démontrent la nécessité de s’intéresser à la valeur qu’elles apportent. A cet égard, le baromètre Fintech100 dévoilé mi-mars était précurseur : Au-delà des indicateurs de levée de fonds, desquels dépend le label de « licorne », il offre une lecture équilibrée de la performance des Fintechs sur différents plans dont l’efficience des capitaux investis et la création d’emploi…

Les chiffres montrent aussi que les revenus des Fintechs représentent plus de 10 % de l’ensemble du secteur du logiciel. Celles-ci ont également levé 5 037 millions d’euros de fonds, et la part moyenne de leurs revenus récurrents correspond à 73 % de leurs revenus totaux. Les acteurs traditionnels peuvent donc s’engager dans des démarches de co-création de valeur, à la fois en intégrant des partenaires et en prenant part à un écosystème d’innovation.

Leur adaptabilité

La Fintech fonctionne par opportunisme et peut, mieux que les acteurs traditionnels, répondre à des situations de crise et aux changements rapides du système financier. La crise sanitaire en est un exemple récent et montre avec quelle rapidité la Fintech est parvenue à se développer et à rebondir malgré les incertitudes pesant sur les marchés. Selon les données du Palmarès Fintech 100, la crise sanitaire a eu un impact neutre ou positif sur 79 % des Fintechs françaises. Qui plus est, dès mars 2022, 72 % de ces entreprises affirmaient que leur activité n’était déjà plus affectée par la crise sanitaire. Loin de freiner leur développement, la pandémie a accéléré la transition vers une économie digitale et le développement de solutions innovantes.

Cette adaptabilité est prometteuse, car elle permettra aux Fintech d’intégrer les futures réglementations qui encadreront leur activité. Elle leur permettra également d’être réactives face au développement de nouvelles technologies et aux changements de comportements des consommateurs.

Concurrentes, ou complémentaires ?

Depuis quelques années, les Fintechs (notamment la Paytech et les néobanques) empiètent sur les activités des banques de détail. En outre, l’open banking et au-delà avec l’open finance, les données des clients deviennent exploitables par des acteurs tiers, les groupes bancaires et financiers n’ayant plus le monopole de ces informations. De nouveaux acteurs, plus modernes, en tire parti. Mais il faut voir dans cette concurrence une forme de complémentarité : les Fintechs permettent aussi aux banques de s’adapter aux besoins de certains segments de leurs clients. Elles développent des API pour améliorer les applications, l’individualisation des services et l’expérience client – cette dernière étant la priorité des acteurs du système financier.

La révolution digitale peut ainsi se faire main dans la main, en intégrant les innovations techniques que des Fintechs ultra-performantes et spécialisées dans les technologies offrent aux acteurs traditionnels du système bancaire. A un moment où les habitudes des consommateurs changent et où l’open banking permet de travailler avec des tiers de confiance, les Fintechs apparaissent comme la solution. Celles-ci n’ont par ailleurs aucune difficulté à nouer des partenariats : 86 % d’entre elles ont déjà mis en place des partenariats, commerciaux et technologiques, avec des groupes bancaires ou des startups.

Les conditions sont donc réunies pour que Fintech et système financier traditionnel collaborent, l’un apportant l’expertise, l’expérience et le réseau, et l’autre la fluidité, la réactivité et les compétences technologiques nécessaires dans un monde qui se digitalise. L’intégration des Fintechs au système financier lui permettra ainsi d’atteindre sa pleine maturité. Et le contexte actuel de revalorisation des Fintechs devrait en plus constituer un accélérateur de ce mouvement.